Ce texte est l’histoire personnelle d’Isabella, étudiante en nutrition. Elle nous partage avec ouverture et vulnérabilité son histoire avec la dépression et sa relation à la nourriture qui en a découlé.

La dépression faisait déjà partie de ma vie depuis un moment. Perdre l’appétit et le désir de manger était quelque chose que je remarquais à peine au début.

C’était nouveau et étrange car j’ai toujours été en contact avec mes sensations de faim. Sans m’en rendre compte, je sautais des repas ou je passais des jours sans répondre à mes besoins. C’est à ce moment-là que j’ai commencé une période d’auto-réflexion :

Est-ce que je le faisais inconsciemment pour perdre du poids? Est-ce que ma fréquence d’un centre de conditionnement physique devenait malsaine? Comment était mon humeur? Ai-je conscience de ma faim? Comme j’étudie la nutrition, je me suis demandé si je rencontrais mes besoins nutritionnels. Comment était mon énergie? Ma performance avec mes activités physiques? À quand remonte la dernière fois que j’ai vraiment apprécié un repas?

Les questionnements prenaient beaucoup de place dans ma tête.

Signaux d’alarme

Cette pratique d’auto-réflexion a soulevé quelques signaux d’alarme en termes de mes sentiments envers la nourriture et mes comportements alimentaires. Je me suis toujours senti excitée et enthousiaste à l’idée de plonger dans un bol de pâtes ou un gâteau au chocolat, mais tout d’un coup l’idée ne m’intéressait plus. J’ai grandi avec une mère italienne qui a toujours aimé cuisiner et j’étais toujours heureuse de consommer ses repas. Manger a toujours apporté la joie, alors pourquoi, tout d’un coup, ce n’était plus le cas?

 

Perdre son appétit est une des plusieurs caractéristiques de la dépression.

 

La pandémie a exacerbé plusieurs symptômes présents depuis un moment chez moi comme un manque d’énergie, de motivation et d’intérêt. Je suis allée chercher de l’aide quand ma joie de manger m’a quittée. La perte d’appétit a été le drapeau rouge qu’il me fallait.

 

Avec la dépression, essayer de trouver des aliments que je voulais manger pour le dîner était difficile, penser à préparer le dîner était intimidant, décider à vouloir profiter de certains de mes aliments préférés était un échec

 

C’est pour le moins frustrant. 

 

J’ai commencé à me mettre la pression face à mon alimentation pour ne pas “perdre” tout mon travail acharné au gym et pour éviter les commentaires face à mon corps de personnes préoccupées par mes changements corporels. 

 

Je sais que je ne suis pas seule. La pandémie a contribué à déclencher des comportements alimentaires troublés. Les données recueillies auprès d’environ 80 hôpitaux aux États-Unis ont révélé une augmentation de 30% des troubles de l’alimentation depuis mars 2020 (1).

 

Demander de l’aide peut être difficile et je t’encourage à ne pas rester seul.e si tu te reconnais dans mon expérience. Ton médecin de famille et/ou un.e psychothérapeute sauront être là pour toi. 

 

Pourquoi l’appétit disparaît-il avec la dépression ?

 

La dépression est reconnue pour être associée à une mauvaise humeur, une faible motivation et un pauvre niveau d’énergie. Des changements hormonaux et la fonction cérébrale sont à l’origine de ces symptômes (2).

 

Le cortisol est la principale hormone de stress de notre corps. Il contrôle toutes les fonctions qui seraient utiles dans une situation de fuite ou de combat. Dans une étude de Simmons et al., il a été constaté que chez les personnes souffrant de dépression avec une diminution de l’appétit, le niveau de cortisol était plus élevé. Un haut niveau de cortisol est aussi associé à une plus faible réponse aux stimulis reliés à l’alimentation. En d’autres termes : la nourriture n’est plus attrayante.

 

Cela peut nous aider à comprendre pourquoi les personnes souffrant de dépression peuvent ressentir moins d’enthousiasme par rapport à la nourriture.

 

De plus, les symptômes fréquents de la dépression affectent nos comportements alimentaires au quotidien. Par exemple :

 

  • La perte d’intérêt et de motivation peuvent affecter le plaisir autrefois ressenti par la préparation et la consommation de nourriture.
  • La diminution d’énergie peut rendre la préparation d’un repas difficile, voire impossible.
  • La dépression et l’anxiété vont souvent de pair. L’anxiété peut entraîner des symptômes physiques désagréables tels que des nausées ou des malaises intestinaux affectant nos choix alimentaires.
  • Ceux qui souffrent de dépression se sentent souvent tristes, sans valeur ou sans espoir. Ces pensées peuvent remplacer celles qui entourent le besoin de manger. Ça prend beaucoup de place dans l’esprit.
  • La dépression est aussi caractérisée par un sentiment de dévalorisation pouvant mener à la croyance qu’on ne mérite pas de manger ou de se sentir mieux (3). 

 

L’auto-compassion, la dépression et nos habitudes alimentaires changeantes.

 

Manger malgré le manque d’appétit est important car cela peut aider avec le niveau d’énergie et les fonctions du cerveau. Nourrir le corps peut permettre de se doter d’outils pour aller mieux. Un corps sous-nourri est aussi un cerveau sous-nourri qui ne peut pas penser clairement.

 

Se nourrir de façon pratique, sans égard aux signaux de faim qui nous ont abandonnés, peut générer une panoplie d’émotions. Un soutien auprès un.e nutritionniste-diététiste est parfois essentiel pour y arriver.

 

Lorsque je trouve la motivation de me nourrir particulièrement difficile, la première étape comprend de m’ offrir la douceur. C’est important d’éviter d’être sévère avec soi-même et de travailler à accepter la situation actuelle. Lutter contre votre cerveau dans cette situation n’est pas utile et est contre-productif. 

 

La prochaine fois que vous vous sentez frustré envers votre perte d’envie de manger, essayez de vous offrir de la compassion. Je vous offre humblement ce qui fonctionne pour moi en ce moment, en espérant vous inspirer un peu.

 

“Je me sens mal et j’ai perdu mon appétit. C’est difficile et pénible même de penser à préparer de la nourriture.” C’est important de reconnaître et nommer ces sentiments, même s’ils ne sont pas agréables. 

 

“Je sais que la perte d’appétit est un symptôme commun de la dépression donc je ne suis pas seule.” Il est facile de se sentir isolé dans sa dépression. Il est important de se rappeler que c’est plus courant qu’on ne le croit. En 2020, 3 millions de Canadiens souffrent d’une mauvaise santé mentale (4). 

 

“‘J’essaye de manger un petit quelque chose. Et si ça ne fonctionne pas, c’est correct. Je fais de mon mieux.” Offrez-vous la douceur. La dépression est déjà difficile. Ce n’est pas nécessaire d’être insupportable avec soi-même. 

 

Si vous avez besoin de soutien, l’équipe de diététistes-nutritionnistes chez Manger en Harmonie peut vous accompagner. 

Références

 

  1. Tanner, L. (2021, May 23). How the COVID-19 pandemic sparked eating disorder surge in teens, adults. Global News. Recupéré de  https://globalnews.ca/news/7887586/covid-19-pandemic-eating-disorder-teen/
  2. Simmons, W.K., Burrows, K., Avery, J.A. et al. Appetite changes reveal depression subgroups with distinct endocrine, metabolic, and immune states. Mol Psychiatry 25, 1457–1468 (2020). https://doi.org/10.1038/s41380-018-0093-6
  3. Morando, S. (n.a.) Depression and loss of appetite – advice and next steps [blog post]. Récupéré de https://www.priorygroup.com/blog/depression-and-loss-of-appetite-advice-and-next-steps
  4. Statistics Canada. Table 13-10-0096-03  Perceived mental health, by age group DOI: https://doi.org/10.25318/1310009601-eng
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