Avec la culture des régimes, les standards de beauté et le monde du fitness, nous souhaitions offrir aux parents et adultes des pistes pour les aider à protéger les enfants et adolescentᐧeᐧs (les leurs et de leur entourage) contre le développement de troubles des conduites alimentaires (TCA).
“34% des adolescents et 40% des adolescentes de niveau secondaire voudraient modifier leur image corporelle et s’en disent insatisfaitᐧeᐧs.(1)”
Ceci est préoccupant considérant que l’insatisfaction corporelle est un facteur de risque pour les troubles des conduites alimentaires et “[qu’ils] constituent la troisième maladie chronique la plus retrouvée chez les adolescentᐧeᐧs.(1)”
Avant de construire votre trousse à outils pour contribuer au développement d’une saine relation à la nourriture et au corps chez les jeunes, il peut être intéressant de définir les troubles des conduites alimentaires (TCA) pour mieux les identifier et les démystifier.
Troubles des conduites alimentaires (TCA)
Tel que définit par l’organisme ANEB Québec, les TCA sont des ”désordres complexes, principalement caractérisés par des habitudes alimentaires anormales, une crainte intense de prendre du poids et une grande préoccupation par rapport à l’image corporelle.(2)”
Un TCA, c’est :
- L’anorexie mentale : “trouble de santé mentale se caractérisant par une brusque perte de poids résultant de régimes drastiques, de jeûnes, de vomissements provoqués, d’utilisation de laxatifs ou d’exercice physique excessif.(3)”
- La boulimie : “trouble de santé mentale qui se caractérise par la présence de compulsions alimentaires, suivies de méthodes compensatoires telles que des régimes drastiques, jeûnes, vomissements provoqués, exercices excessifs.(4)”
- L’accès hyperphagique ou l’hyperphagie boulimique : “trouble de santé mentale qui se caractérise par la présence de compulsions alimentaires, mais sans méthodes compensatoires.(5)”
- Les troubles alimentaires non spécifiés “englobent les problématiques qui ne répondent pas précisément aux critères spécifiques tels que l’anorexie mentale, la boulimie et l’accès hyperphagique.(6)”
Sans être un TCA diagnosticable, nous trouvons aussi :
- La bigorexie ou la dysmorphie musculaire : “impression d’être trop mince ou jamais assez musclé.(6)”
- L’orthorexie : “obsession de manger sainement.(6)”
Il peut être difficile de détecter une relation malsaine avec la nourriture et le corps, car les comportements peuvent avoir l’air sains en apparence. De plus, nous vivons dans une société où ce genre de comportements est souvent normalisé et même valorisé.
Si vous vous questionnez à savoir si votre enfant à un TCA, vous pouvez consulter l’article “Est-ce que mon enfant a un trouble du comportement alimentaire?” (7)
Qu’est-ce que je peux faire pour aider mon enfant?
Quels sont les facteurs protecteurs que vous pouvez mettre en pratique pour tenter de les protéger avec les ressources dont vous disposez?
Avant de vous présenter des pistes, prenons un instant pour souligner que si vous lisez ce texte aujourd’hui, c’est que le bien-être de votre ado est important pour vous. Nous vous invitons à faire preuve d’indulgence envers vous-mêmes et à reconnaître tous les efforts que vous avez fait en tant que parents jusqu’à présent. On fait toujours du mieux qu’on peut avec les ressources dont nous disposons dans des circonstances hors de notre contrôle. Tu es un parent incroyable! (au cas où tu en douterais)
Piste 1. Lire sur les TCA et partager ses connaissances afin de sensibiliser.(7)
Plus vous serez informés sur l’ampleur des TCA et l’impact de la culture des régimes dans la société, mieux vous serez outillé. Pour vous et pour vos enfants.
Partagez avec votre adolescentᐧe les publications et les articles de blogue qui se tiennent loin de la culture de la diète. (7) (voir suggestions de lectures à la fin de ce blogue)
Je vous encourage à avoir des discussions critiques sur les messages véhiculés dans les médias, les films et les livres.(8)
Par exemple : si un film présente une personne grosse comme étant paresseuse, lâche et dégoûtante, je vous invite à ouvrir la discussion sur la nécessité de présenter le personnage avec ces traits physiques avec votre jeune. Ainsi, il développera un sens critique des médias.
Piste 2. Promouvoir une bonne estime de soi chez votre adolescentᐧe. (9)
Une meilleure estime de soi chez les adolescentᐧeᐧs est associée avec une diminution du risque de développer une relation malsaine avec la nourriture.
Voici quelques idées tirées d’ÉquiLibre (10) :
- Reconnaissez ses idées et ses actions en l’écoutant attentivement.
- Valorisez son cheminement et le travail qu’il a accompli pour y parvenir.
- Mettez en valeur ses compétences propres à lui et ses qualités.
- Démontrez de la curiosité par rapport à ses choix en évitant les commentaires sur son apparence.
- Prenez conscience que ce que vous aimez le plus chez votre enfant n’est pas à dans son physique, mais bien à l’intérieur.
Piste 3. Normaliser le gain de poids durant la puberté.
En tant qu’adultes ayant passés par la puberté, il est possible que vous ayez vous-mêmes vécu des difficultés par rapport à votre image corporelle durant cette période. Cette expérience peut vous permettre d’accueillir votre enfant avec compassion.
C’est normal et souhaitable qu’un enfant gagne du poids et grandisse durant la puberté.(11) Autrement, les risques de retard de croissance seraient à surveiller.(12) Durant la puberté, votre jeune va prendre 50% de son poids corporel d’adulte.(13) C’est donc une étape importante dans sa croissance.
Une fille va prendre en moyenne 18,5 lb par an. Ce sera plutôt environ 14 lb par an pour un garçon.(13) À notre connaissance, il n’y a pas encore de données pour les personnes non-binaires.
Normaliser le gain de poids à la puberté permet de réduire les sentiments de peur, de honte et de culpabilité qui pourraient l’habiter.(14)
Piste 4. Traiter son corps avec respect.
J’ai constaté que la pression sociale des jeunes à devoir atteindre les standards de beauté instaurés par la société est omniprésente.(14)
Avec la culture des régimes et le monde du fitness, il est difficile pour les ados d’accepter leur corps lorsqu’il y a milles et une façons présentées pour le contrôler.
C’est triste de constater que “30 à 77% des adolescentᐧeᐧs auraient déjà tenté de perdre du poids en adhérant à un régime.”(1)
Alors, quelles sont vos options en tant que figure parentale dans une telle situation?
Vous pouvez commencer par être un modèle en respectant votre corps.(15)
La culture des régimes est autant à l’école que sur les réseaux sociaux, la littérature et la télévision. L’intention de créer un espace sécuritaire à la maison ne peut qu’être bénéfique.
Piste 5. Offrir des aliments variés et diversifiés sans discrimination.(9)
En ayant une variété d’aliments dans votre maison, vous montrez que tous les aliments sont permis et qu’il n’y a aucune restriction. En d’autres mots, vous permettez à votre enfant de développer une relation positive avec la nourriture.
Je vous invite à prendre conscience de vos attitudes alimentaires en vous observant. Comment parlez-vous de la nourriture? Jugez-vous à voix haute vos choix ou quantités consommées? Justifiez-vous vos “écarts”?
Vos enfants vous observent. Pour le meilleur et pour le pire (sans pression aïe).(16)
Piste 6. Manger en famille lorsque possible.
Lorsque vous mangez avec bienveillance une variété d’aliments en présence de votre jeune, il peut se reconnaître en vous et se permettre de manger de tout sans culpabilité.
Je vous invite aussi à créer un environnement positif lors des repas afin de l’inciter à les percevoir comme des moments sécuritaires où il peut se confier à vous.
Nous reconnaissons que cette piste n’est pas accessible à tous ou même souhaitable. Trouvez ce qui convient le mieux à vous et votre famille. Sans jugement!
Pour boucler la boucle
Note à tous les adultes (pas seulement les parents) : les enfants de votre entourage vous observent et vous entendent.
Il est possible d’accompagner votre enfant dans le développement d’une saine image corporelle et d’une saine relation avec les aliments.
Toutefois, rappelez-vous que la responsabilité ne repose pas entièrement sur vos épaules. Les enfants/adolescentᐧeᐧs naviguent dans un monde grossophobe et empreint de la culture des régimes, tout comme les adultes. Leur donner des outils pour y faire face ne peut être qu’aidant.
Merci à Daphné Mathieu, étudiante en nutrition pour sa précieuse collaboration à la rédaction de cet article.
On peut vous aider :
Notre équipe de nutritionnistes-diététistes a une expertise principalement auprès des adultes et des adolescentᐧeᐧs de 14 ans et plus pour les guider vers une relation saine avec la nourriture et leur corps. Nous n’avons pas l’expertise nécessaire pour accompagner vos enfants.
Pour obtenir de l’aide ailleurs :
Lignes d’écoute
Organismes et services publiques
- Maison l’Éclaircie
- Arrimage Estrie
- CIUSSS Capitale-Nationale
- Association canadienne de santé mentale
Services privés
- Trouver un.e nutritionniste-diététiste en pratique privée
- LauGau Nutrition
- Clinique Imavi
- Clinique Sööma
Pour plus d’informations :
- Article sur eSantéMentale.ca
- Hôpital de Montréal pour enfants
- CHEO et ses ressources sur les troubles de comportements alimentaires
- La brochure de CHEO
Références
- Comité EnFaim. (s.d). Les troubles alimentaires, ça concerne qui? Page consultée le 17 janvier 2022, au https://troublesalimentaires-02.com/statistiques
- ANEB Québec. (s.d.). Troubles alimentaires. Page consultée le 17 janvier 2022, au Troubles alimentaires – Aneb (anebquebec.com)
- ANEB Québec. (s.d). L’anorexie mentale. Page consultée le 17 janvier 2022, au L’anorexie mentale – Aneb (anebquebec.com)
- ANEB Québec. (s.d.). La boulimie. Page consultée le 17 janvier 2022, au La boulimie – Aneb (anebquebec.com)
- ANEB Québec. (s.d.). L’accès hyperphagique. Page consultée le 17 janvier 2022, au L’accès hyperphagique – Aneb (anebquebec.com)
- ANEB Québec. Les troubles alimentaires non spécifiés. Page consultée le 17 janvier 2022, Les troubles alimentaires non spécifiés – Aneb (anebquebec.com)
- Frédérique, intervenante chez ANEB. (s.d.). Est-ce que mon enfant a un trouble du comportement alimentaire? Page consultée le 17 janvier 2022, au https://anebquebec.com/semaine-nationale-de-sensibilisation-aux-troubles-alimentaires/est-ce-que-mon-enfant-a-un-trouble-du-comportement-alimentaire
- Carbonneau, N. (18 novembre 2021). Comment parler des aliments de façon bienveillante avec nos enfants? Tiré de Comment parler des aliments de façon bienveillante avec nos enfants? | ÉquiLibre (equilibre.ca)
- ANEB Québec. (s.d.). Trouble alimentaire : que faire? Page consultée le 17 janvier 2022, au https://anebquebec.com/soutien/trouble-alimentaire-que-faire
- Poutré, A. (16 février 2021). Comment aider mon enfant à avoir une estime de soi solide? Tiré de Comment aider mon enfant à avoir une estime de soi solide? | ÉquiLibre (equilibre.ca)
- D. Rogol, A., A. Clark, P. et J. N. Roemmich. (2022). Growth and pubertal development in children and adolescents: effects of diet and physical activity. The American Journal of Clinical Nutrition. Volume 72(2), 521-528. Tiré de : https://doi.org/10.1093/ajcn/72.2.521S
- Comtois, A. (s.d.). 5 signes que votre enfant pourrait avoir un trouble alimentaire. Page consultée le 17 janvier 2022, au https://sooma.ca/fr/5-signes-que-votre-enfant-pourrait-avoir-un-trouble-alimentaire/
- Brown, J. (2019). Nutrition through life cycle. Boston, USA : CENGAGE.
- Roscoe, C. (16 décembre 2016). Aider les enfants et les adolescents ayant un trouble de l’alimentation (incluant anorexie et boulimie) : Information à l’intention des parents et les aidants. Tiré de https://www.esantementale.ca/Comite-Lanark/Aider-les-enfants-et-les-adolescents-ayant-un-trouble-de-lalimentation-Information-a-lintention-des-parents-et-les-aidants/index.php?m=article&ID=8874
- Canals, J., Sancho, C. et M.V. Arija. (2009). Influence of parent’s eating attitudes on eating disorders in school adolescents. European Child & Adolescent Psychiatry. Volume 18 (6), 353-359. DOI: 10.1007/s00787-009-0737-9
- M. Yanez, A., A. Peix, M., Atserias, N., Arnau, A. et J. Brug. (2007). Association of eating attitudes between teenage girls and their parents. International Journal of Social Psychiatry. Volume 53(6), 507-513. DOI: 10.1177/0020764007078350