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 Écrit avec la collaboration de Valérie Gaudreault Dt.P. (@NutritionAntiRegime)

 

L’indice de masse corporelle (IMC) est largement utilisé dans le domaine de la santé pour déterminer le risque de développer des co-morbidités (macabre comme mot je sais…mais c’est comme ça que ça s’appelle dans le jargon médical) comme le diabète et les maladies cardiovasculaires. Plus l’IMC est élevé, plus le risque serait élevé. Ce chiffre permet de classer les personnes dans une des 6 catégories : 

Poids insuffisant

Poids normal

Excès de poids

Obésité classe I

Obésité classe II

Obésité classe III

 

 

Stigmatisant, je sais. 

Je n’aime pas utiliser ces noms de catégories car ils sont stigmatisants et peuvent faire mal, mais comme ils sont employés dans les articles scientifiques, je vais écrire ob*sité ou mettre les termes en guillemets.

 

Comment calculer l’IMC?

 

On prend notre poids (kg) et on le divise par la taille au carré (m2) et tadam! Aussi simple que ça.

 

Le problème, c’est que l’IMC n’est pas un indicateur de santé fiable.

 

Voyons ce qu’il en est.

 

 

1. Créé par un statisticien.

 

Oui Madame, un statisticien. Pas un professionnel de la santé. Un statisticien, mathématicien et astronome, M.Quetelet, qui en 1850, s’est intéressé à “l’homme moyen” et la société. Pour faire fonctionner sa formule avec les données, il aurait simplement mis la taille au carré. Hmm ça manque de rigueur scientifique me semble. 

 

Ce n’était – et n’est – pas un outil de diagnostic.

 

La formule a été conçue pour évaluer des populations, pas des individus. 

C’était donc un outil statistique et non un outil de diagnostic.

 

 

2. Des compagnies d’assurance se sont mis le nez dedans

 

Hein? C’est quoi le rapport?

Dans les années 60, des millions d’assurés, principalement des hommes, de plusieurs compagnies différentes ont été analysés afin de présenter des tableaux reliant le ratio poids/taille au genre, à l’âge et au risque de développer certains maladies et mortalité(1). Les actuaires avaient remarqué une augmentation des réclamations suite au décès de leurs clients avec ob*sité… il fallait donc ajuster leurs primes en conséquences…(2)

 

 

3. Créé majoritairement à partir de données sur des hommes blancs

 

Les données utilisées par notre cher statisticien (voir point 1.)  provenaient majoritairement d’hommes blancs Européens.(3) Bon c’était en 1850 quand même. Le problème, c’est qu’on se base encore sur ces données à ce jour. On repassera pour l’inclusivité.

Plus tard, dans les années 70, Ancel Keys (aussi connu pour son étude The Biology of Human Starvation de 1950. Je t’en parlerai éventuellement. C’est fascinant comme étude!) s’est approprié la formule, la nomma officiellement Indice de Masse Corporelle (IMC) et l’utilisa pour prédire le pourcentage de gras corporel des individus. (4Pour valider la formule, il s’est basé sur des données de milliers d’hommes américains, finlandais, italiens, japonais et sud-africains. Fait intéressant: leurs conclusions ne s’appliquaient pas aux sud-africains, donc essentiellement juste aux blancs.(5)

 

Plusieurs études ont démontré que l’IMC n’était pas fiable chez les femmes, personnes de petites tailles ou de très grandes taille, afro-américains et asiatiques, entres autres. (678)

 

Je répète: c’est un outil statistique et non de diagnostic.

 

 

4. La formule est archi simpliste

 

L’IMC ne se base que sur le poids et taille. That’s it. Au niveau de la composition corporelle, ça ne prend pas en compte la densité osseuse, la masse musculaire ni l’adiposité (le gras). 

Monsieur Univers et plusieurs athlètes Olympiques seraient considérés ob*ses selon cette formule car leur poids est élevé en raison de leur masse musculaire. Ils seraient donc à haut risque de développer des maladies chroniques.  Ta logique te dit que ça n’a pas de sens? La mienne aussi.

 La santé, c’est complexe. Le poids aussi. Plusieurs facteurs ayant un impact sur la santé sont encore moins pris en compte avec l’IMC.

    • biologie et génétique 
    • habitudes alimentaires
    • relation avec les aliments, troubles alimentaires
    • forme physique
    • stress
    • cycle du poids (yo-yo)
    • stigmatisation à l’égard du poids, grossophobie
    • revenu et statut social
    • éducation et littératie
    • type d’emploi
    • troubles de santé mentale
    • prise de médicaments
    • réseau social
    • expériences vécues pendant l’enfance
    • environnement physique
    • accès aux services de santé
    • sécurité alimentaire
    • genre
    • culture
    • race et racisme
    • etc.

 

La santé, ça ne se résume pas au chiffre sur la balance.

 

 

5. Présente une erreur de logique

 

Le lien entre l’IMC et le risque de développer des maladies chroniques vient du fait qu’il est associé à l’adiposité (gras corporel). Sauf qu’il n’y a rien de logique là-dedans.

J’ai entendu Rebecca Scritchfield RDN donner cet exemple dans un épisode du podcast de Food Heaven Made Easy(9) et je l’ai trouvé parfait alors je te le traduis.

Si je te dis que j’ai reçu une bicyclette pour ma fête, tu peux conclure que mon cadeau a des roues. Par contre, si je te dis que mon cadeau de fête a des roues, tu ne peux pas conclure que c’est une bicyclette. Ça pourrait être une voiture.

Tu me vois venir? Si une personne est grosse, son IMC sera élevé, mais l’inverse n’est pas toujours vrai. Une personne avec un IMC élevé n’est pas nécessairement grosse. Lis le prochain point pour que je te parle de l’aspect santé dans tout ça.

 

 

6. IMC “hors normes” ≠ santé?

 

La classification laisse sous-entendre qu’une catégorie est souhaitable au détriment des autres. Toutefois, une méta-analyse (revue de plusieurs études) (10a relevé que l’ob*sité de grade I n’est PAS associée à une augmentation de la mortalité. Attends y’a plus intéressant: l’excès de poids est associé à une diminution significative de la mortalité comparé au poids normal. Quooooiii??

En 2008, Wildman et al ont démontré qu’environ 23% des adultes américains de poids normal étaient métaboliquement anormaux (pas en santé), alors qu’environ 51% de ceux avec un excès de poids et 32% de ceux avec une ob*sité étaient en santé.(11)

De grâce, ne sautons pas aux conclusions rapides et simplistes que gros = mauvaise santé et qu’une perte de poids est nécessaire pour atteindre le ‘’poids normal’’ afin de demeurer/devenir en santé et vivre éternellement.

 

Bref,

 

ne laisse PERSONNE te parler de ta santé en se basant uniquement sur ton IMC.

Tu vaux plus que ça.

 

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Références:

1. Nuttall, F. Q. (2015). Body Mass Index. Nutrition Today, 50(3), 117-128. doi:10.1097/nt.0000000000000092

2. Medico-Actuarial Mortality Investigation. Vol.1. Association of Life Insurance Medical Directors and the Actuarial Society of America, 1912 New York

3. Eknoyan, G. (2007). Adolphe Quetelet (1796 1874) the average man and indices of obesity. Nephrology Dialysis Transplantation, 23(1), 47-51. doi:10.1093/ndt/gfm517

4. Robinson, J. (2011). The HAES files: is the body mass index a good measure of health?. Obtenu de: https://healthateverysizeblog.org/2011/10/24/the-haes-files-is-the-body-mass-index-a-good-measure-of-health/

5. Your Fat Friend (2019). The Bizarre and Racist History of the BMI. Obtenu de: https://elemental.medium.com/the-bizarre-and-racist-history-of-the-bmi-7d8dc2aa33bb

6. Rahman, M., & Berenson, A. B. (2010). Accuracy of Current Body Mass Index Obesity Classification for White, Black, and Hispanic Reproductive-Age Women. Obstetrics & Gynecology, 115(5), 982-988. doi:10.1097/aog.0b013e3181da9423

7. The Endocrine Society. (2009). Widely Used Body Fat Measurements Overestimate Fatness In African-Americans, Study Finds. ScienceDaily

8. World Health Organization Regional Office for the Western Pacific (2000). International Association for the Study of Obesity, International Obesity Task Force. The Asia-Pacific Perspective: Redefining Obesity and Its Treatment . Australia: Health Communications Australia Pty Ltd

9. Scritchfield, R. Is BMI BS? sur la balado de Food Heaven Made Easy

10. Flegal, K. M., Kit, B. K., Orpana, H., & Graubard, B. I. (2013). Association of All-Cause Mortality With Overweight and Obesity Using Standard Body Mass Index Categories. JAMA, 309(1), 71. doi:10.1001/jama.2012.113905

11.  Wildman, R. P. (2008). The Obese Without Cardiometabolic Risk Factor Clustering and the Normal Weight With Cardiometabolic Risk Factor Clustering. 168(15), 1617. doi:10.1001/archinte.168.15.1617

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